Jean-Marc Lepers

Inter-Institut de Robotique , Anthropologie générative et Modélisation

Université de Paris 8

Février 1995


 

Une interprétation du système

de correspondances du Tarot divinatoire

 


Généralités

Comment interpréter un système non rationnel ?

Des noms, des chiffres et des icônes

Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre !


 

Les Trois Mondes

L'organisation des correspondances se complique cependant quelque peu, du fait que l'on peut penser que les cartes du second groupe de sept ne sont pas totalement indépendantes de celles du premier groupe.

On pourrait imaginer une simple analogie de structure : au Un correspondrait le Huit, au Deux le Neuf, etc. Cependant, les couples produits ne semblent pas porteurs d'opposition faisant sens : ainsi, quel peut être le sens de l'opposition du Neuf, l'Ermite, avec le Douze, Le Pendu ? La relation n'est pas plus claire pour les autres couples potentiels. Ni les noms, ni la symbolique ne nous suggèrent de correspondances.

Par contre, les couples d'opposés donnant pour somme quatorze semblent présenter un sens. Ainsi l'opposition du Un avec le Treize (la Mort), du Deux (la Papesse) avec le Douze (le Pendu). L'opposition du Trois (l'Impératrice) au Onze (la Force) est sans doute moins évidente. Aussi peut-on imaginer que le système d'ordonnancement est peut-être plus complexe.

L'interprétation doit sans doute faire appel au système des trois mondes, commun à la plupart des ésotérismes, ou à la théologie chrétienne de la Sainte Trinité, qui n'est plus familière à la pensée moderne plus habituée à la formalisation dialectique héritée de l'espace grec. Quoique l'on puisse retrouver, dans la formalisation thèse-antithèse-synthèse classique, ou dans la formalisation affirmation-négation-négation de la négation (l'Aufhebung hégélienne), une formalisation qui se prétend logique, mais qui ne se distingue pas radicalement de la vision trinitaire. Il s'agit toujours de poser une "contradiction" entre deux termes supposés antithétiques ( l'Esprit et la Matière, le Capital et le Travail, l'Homme et la Femme, etc.) et de proposer un "dépassement" par l'invention d'un troisième terme imaginaire.

Dans cette perspective, il me faut spécifier la signification des trois groupes de sept cartes, puisqu'il semble que la signification des cartes ne puisse pas être comprise uniquement par les relations internes à chaque groupe, sauf pour le premier. Le second groupe et le troisième sont probablement générés non pas par associativité interne, ou simple reproduction du modèle du premier groupe, mais par relation avec les groupes précédents.

Me référant à mon espace culturel propre dans le domaine, je propose une adéquation entre les trois groupes et la vision trinitaire classique, le premier groupe étant celui des forces créatrices, "le Père", le second étant celui de l'humain, de l'incarné, "le Fils", et le troisième étant celui des forces cosmiques, le "Saint-Esprit". D'autres langages, plus précis, ont cours chez les occultistes, définissant par exemple un "plan astral". La question n'est évidemment pas de savoir quel degré de réalité peut être affecté à ces différents discours. On peut simplement remarquer que la représentation trinitaire du monde est une constante, quelles que soient les querelles sur l'attribution de telle ou telle caractéristique à tel ou tel groupe.

Ce qui est certain en tous cas, c'est que toutes ces représentations du monde sont, dans leur contexte, opératoires. La division trinitaire et géométrique du monde a fourni à l'espace occidental une représentation valide du monde, de même que dans un contexte différent, la représentation binaire telle qu'elle s'exprime dans la symbolique taoïste ou dans le Yi King a fourni un modèle valide et opératoire à l'espace chinois. On ne peut pas douter que ces représentations fonctionnent, ni qu'elles soient constitutives d'une culture. Les ethnologues savent d'expérience que peuvent se créer ainsi des multitudes de représentations du monde et de cultures différentes. Chaque représentation est entièrement valide dans le contexte de la culture dans laquelle elle est utilisée.

Notons au passage que notre représentation trinitaire du monde, incluant à la fois l'idée d'un Paradis, d'une Fin du Monde et celle d'une Apocalypse, ne cesse pas de nous poser problème. La représentation binaire chinoise privilégie à l'inverse l'équilibre des contraires et un cycle de transformations infiniment répété. Je tiens à préciser pour éviter toute éventuelle confusion que la pensée chinoise (taoïsme, Yi King) ne peut en aucun cas être confondue avec le bouddhisme, d'origine hindoue, qui à bien des égards peut être considéré comme un système hybride. Aussi simpliste et réductrice que cette idée puisse paraître, il semble que la différence fondamentale entre les systèmes occidental et chinois tient à une différence dans la base de calcul fondant l'espace des représentations.


Le Deuxième Monde

Troisième Monde : le Cosmos

Hors-jeu : le Mat